Israël – Palestine : le mirage des nationalismes

Mis en avant

La guerre actuelle entre la collation au pouvoir en Israël et le Hamas, et plus généralement le conflit israélo-palestinien qui dure depuis plus un siècle et demi, agitent les consciences et suscitent toutes formes d’excès, d’hystérisations, de déformations, de mensonges et manipulations.

On ne peut toutefois comprendre ce conflit dans toute son étendue et sa complexité, garder une attitude aussi juste et neutre que possible, sans en maîtriser les composantes historiques, politiques et surtout humaines.

D’autant que cette terre revendiquée par deux peuples qui concentre depuis les temps les plus immémoriaux l’attention et l’appétit des grands empires est une terre de révélations, un creuset identitaire, le berceau des trois grandes religions monothéistes, le point focal de tous les messianismes, et l’un des épicentres des tensions géostratégiques mondiales.

Si l’on veut resituer ce conflit dans une perspective historique et comprendre où s’enracinent les enjeux, il est important de rappeler comment se forgent les identités, décrypter le sens des mots utilisés pour désigner une terre où se fixe la mémoire et à partir de laquelle des peuples entendent faire nation.

Palestine et Israël : l’un et l’autre semblent s’appuyer sur une légitimité symétrique pour revendiquer des identités nationales qui s’opposent sur une terre qui s’étend de la Méditerranée au Jourdain, et du Liban actuel à l’Egypte et à la Mer rouge. Comme si le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes pouvait justifier qu’on ramène leurs revendications respectives sur un même plan, qu’on les renvoie dos-à-dos en gommant toute spécificité historique, à leur incapacité à se mettre d’accord pour accoucher d’une paix durable entre deux Etats voisins.

Qu’en est-il réellement ?


Le mot « Palestine » provient à l’origine d’une expression ancienne désignant le « Pays des Philistins ». Ces mystérieux « Peuples de la mer » mentionnés dans les chroniques égyptiennes regroupaient des populations indo-européennes qui auraient envahi la région autour de Gaza aux 13e et 14e siècles av. J.C. Il ne s’agissait donc évidemment pas de populations « arabes », encore moins de populations islamisées à partir du 7e siècle.

Les Hébreux, originaires quant à eux de Mésopotamie, s’établirent ensuite sur un vaste territoire baptisé « Canaan ». Descendant de la tribu de Judas, le roi David étendit au 11e siècle av. J.C. son territoire de l’Euphrate en Syrie jusqu’à la Méditerranée, et de Tyr (dans l’actuel Liban) à la Mer Rouge. Il établit sa capitale en -1004 à Jérusalem, où son fils Salomon bâtira le premier Temple au dieu unique. Après la mort de Salomon, le royaume éclate en deux royaumes rivaux : Juda au Sud (Judée), et Israël, appelé « Palestine » au Nord (Samarie et Galilée).

La région est successivement occupée en partie ou totalité par les grands empires de la région : Egyptiens, Assyriens, Babyloniens, Perses, Grecs, puis Romains. L’empereur Auguste conquiert le royaume juif hasmonéen en -63. En -31, il établit Hérode-le-Grand à la tête d’un royaume à la solde de l’empire. La Palestine devient alors une « provincia » romaine administrée par un procurateur, sous le nom de « Judée » : le pays des Juifs.

Le pays est très agité : les Juifs écrasés par les taxes, humiliés et persécutés par le joug romain, se révoltent régulièrement contre l’occupant, mais aussi contre la caste aristocratique et la caste des prêtres corrompus. Ils en appellent à Dieu pour susciter un nouveau libérateur, chasser les Romains, restaurer la souveraineté et l’intégrité du royaume d’Israël.

Deux guerres armées sanglantes contre les Romains se déclenchent entre 66 et 135 ap. JC., entraînant une répression féroce. Le temple est détruit en 70 par les armées de Titus, les chefs de la rébellion retranchés dans la forteresse de Massada sont traqués et massacrés jusqu’au dernier. De nombreux Juifs sont vendus comme esclaves, les autres sont dispersés hors de Judée. L’empereur Hadrien rase Jérusalem et rebâtit Aelia Capitolina. Déclarée cité romaine, la ville est interdite aux Juifs sous peine de mort. Le royaume de Judée est définitivement aboli et intégré dans une nouvelle province romaine nommée Syrie Palestine. Pour supprimer toute allusion au peuplement juif de la Judée, les Romains utilisent le nom « Palaestina », un mot de la même racine que Philistin.

Il est important de noter que l’utilisation du terme « Palestine » fut utilisé dès le 2e siècle par la puissance dominante de l’époque pour gommer toute identité, présence ou velléité de revendication juive sur cette terre. Une volonté d’occultation de la mémoire qui marque la conscience collective, et le rapport millénaire qu’entretiennent les « nations » à l’égard du peuple juif. Un petit peuple rebelle qui a toujours refusé de disparaître de se plier aux lois, croyances et coutumes, et de se couler dans le moule identitaire des empires successifs. Preuve de son extraordinaire force de résilience et d’adaptation.

Malgré près de 20 siècles d’occultation de cette présence juive en terre de Palestine, les archéologues ont pourtant établi qu’il y a toujours eu une population juive résiduelle qui a perduré au fil des époques autour des ruines du temple détruit. Et ce sous toutes les dominations successives, romaines, musulmanes ou britannique.

La destruction du Temple, pivot de la liturgie juive depuis 1000 ans, a constitué un traumatisme sans précédent dans la conscience juive qui aurait pu l’anéantir définitivement. Il a entraîné en 70 une refonte radicale du judaïsme et la fondation d’un nouveau judaïsme de la Diaspora. Lors du Concile des Sages de Yavné, ville où des rabbins pharisiens réunis en secret entreprirent de redéfinir le culte à partir de la synagogue, et non plus autour du Temple de Jérusalem, point focal de rassemblement de tous les Juifs de la Diaspora depuis des siècles, où se déroulaient traditionnellement le culte et les sacrifices. Ils fondèrent également la Mishna, corpus des commentaires de la Loi.

La référence à Israël comme terre sacrée, comme pivot cultuel malgré la destruction du Temple, comme mémoire commune à cultiver de génération en génération, est une constante au cœur de toute l’Histoire du peuple juif. Tous les Juifs se tournent vers Jérusalem pour prier, tout comme les musulmans se tournent vers La Mecque. Cultiver l’espérance d’un Retour vers Israël est un devoir pour tout Juif, un objet de commémoration célébré à chaque fête, même durant les périodes de persécution les plus sombres. « L’année prochaine à Jérusalem ! » est une expression chargée d’émotion qui clôt chaque Seder, le repas rituel de la Pâques juive : un rappel des souffrances du passé (et du présent), des espoirs de plénitude et de liberté pour tous dans le futur.

Au final, l’attachement du peuple juif à une terre et une mémoire communes est une réalité avérée depuis le 10e siècle avant J.C., et même davantage (13e) si l’on se réfère à la Bible.

Ce n’est pas qu’une réalité politique et religieuse. Elle est constitutive et indissociable de l’identité juive. Être juif, ce n’est pas seulement être rattaché par sa foi et ses racines généalogiques à un groupe religieux qui partage des mêmes croyances ; c’est aussi être lié à une terre, une mémoire, une langue – l’hébreu – une culture et un destin communs.

Qu’en est-il pour l’identité palestinienne ?

A l’époque romaine, le mot Palestine est utilisé pour occulter toute présence juive sur cette terre. Ce terme est ensuite repris par les nations chrétiennes pour désigner la terre d’origine des Juifs, et donc de Jésus, un rabbin originaire de Nazareth, né à Bethléem selon la Bible, et mort à Jérusalem.

La Palestine désigne donc une origine géographique et non une nation. Elle occulte toute référence historique à l’identité nationale juive, et toute référence au peuple juif en tant que nation ayant vécu et gouverné cette terre. Alors que l’Eglise entend clairement se distancier de la synagogue, se revendiquant même comme « le nouvel Israël » (théologie de la substitution). La croyance établie sur une interprétation biaisée des Évangiles et du récit de la Passion selon laquelle « les Juifs » dans leur ensemble seraient intrinsèquement un « peuple déicide« , qu’ils auraient été punis par Dieu pour ne pas avoir reconnu Jésus comme le messie, est restée longtemps au cœur de la théologie catholique. Elle imprègne encore les consciences dans le monde chrétien, catholique et surtout orthodoxe marqué par un profond antisémitisme.

Elle a servi de justification à une persécution millénaire des Juifs dans tout l’Occident chrétien, et à un antijudaïsme de l’église catholique qui ne sera officiellement abandonné qu’au 20e siècle lors du Concile Vatican 2 (Déclaration Nostra Aetate). Le mythe du « Juif errant« , chassé et dépossédé de sa terre pour avoir tué le Christ, fait partie de l’imaginaire collectif. Il ressurgit à toutes les périodes de l’Histoire où des minorités juives vivant en diaspora ont été persécutées et ont servi de bouc émissaire en cas de crise.

Au cours des croisades et durant l’occupation de la « Terre Sainte » par des chrétiens venus d’Occident libérer les lieux saints profanés par les infidèles musulmans, les Juifs présents à Jérusalem et en Judée furent souvent persécutés.

Vainqueur des Ottomans durant sa campagne d’Égypte, Napoléon Bonaparte dans sa Proclamation à la Nation Juive du 20 avril 1799 reconnaît la propriété de la Terre sainte (Palestine) au peuple juif. Une première depuis l’an 70. Dès la seconde moitié du 19e siècle, plusieurs ONG comme la Convention de Genève et la Croix Rouge appellent à ce que les colonies juives naissantes en Palestine soient déclarées diplomatiquement neutres, tout comme la Suisse.

Les pogroms en Russie et d’autres persécutions des minorités juives en Orient alimentent des mouvements d’immigration des foyers de peuplement en Israël. L’influence des nouvelles idées humanistes, émancipatrices et nationalistes, d’un nouvel esprit de progrès et de tolérance notamment au sein des « Lumières juives » de la Haskala, l’émergence du concept d’Etat-nation, l’essor d’une bourgeoise juive éclairée, mais aussi de mouvements ouvriers juifs socialistes dans l’Europe du 19e siècle, contribuent à voir se développer l’idée d’un État-nation juif qui permettrait aux Juifs du monde entier de se retrouver, de vivre en paix et en sécurité.

Le mouvement sioniste emmené par Theodor Herzl naît 1896 dans un contexte marqué par un fort antisémitisme en Europe de l’Est et l’affaire Dreyfus en France. Il renoue avec une espérance eschatologique d’un retour des Juifs en Israël annoncé par les Écritures, et voit un espoir de concrétisation politique avec la Déclaration Balfour de 1917, favorable à la création d’« un foyer national pour le peuple juif ».

L’identité nationale palestinienne se constitue précisément en réaction de plus en plus hostile contre les vagues d’immigration juives qui se succèdent en Palestine, et cette revendication pour la création d’un Etat juif.  

Mais qui sont ces « Palestiniens » ?

Sous l’empire ottoman, comme sous l’empire britannique, seuls quelques fonctionnaires turcs ou anglais étaient présents en Palestine pour gouverner la province, comme sous l’empire romain. La Palestine était pour l’essentiel administrée par une petite élite arabe sous l’autorité de l’empire ottoman puis britannique. Ces « Palestiniens » (le mot n’existait pas encore en tant que tel pour désigner un « peuple », mais juste des populations arabes vivant en Palestine), comptaient parmi eux quelques riches familles de commerçants lettrés descendantes de populations bédouines sédentarisées au fil des siècles dans les principales villes de la région. Cette élite n’avait cependant pas au départ d’identité ou de revendication nationale « palestinienne » à proprement parler. Elle veillait surtout à préserver ses intérêts, et à conserver de bonnes relations avec l’autorité impériale.

Le rôle ambigu de l’empire britannique durant toute la période qui précède la création de l’Etat d’Israël a joué un rôle prépondérant dans le durcissement des identités et des revendications, tant du côté juif que palestinien. Dès la chute de l’empire ottoman et la Déclaration Balfour au sortir de la Première guerre mondiale, les Britanniques étaient favorables à la création d’un foyer juif en Palestine. Mais ils souhaitaient aussi préserver les intérêts de l’empire dans cette région très convoitée, et donc maintenir de bonnes relations avec les dignitaires palestiniens, en tempérant les ardeurs des uns et des autres et en réprimant les mouvements de révolte.

Des émeutes arabes éclatèrent en 1929 à Hébron et Safed contre ce qu’elles désignaient comme un « complot juif » et l’achat de nouvelles terres pas des capitaux juifs. Le moins que l’on puisse dire est que la couronne britannique et les milieux d’affaires anglais entretenaient des relations étroites avec ces milieux capitalistes juifs, notamment la famille Rothschild, banquier de la couronne depuis le 17e siècle et grand mécène du mouvement sioniste.

Juifs et Palestiniens ont donc en quelque sorte été pris en tenaille dans un jeu de dupes entre grandes nations, notamment l’empire britannique, otages de spéculations stratégiques et politiques où leur sort comptait moins que l’intérêt que ces grands empires pouvaient en tirer pour asseoir leur domination.

L’arrivée d’Hitler au pouvoir en Allemagne en 1933 et la seconde guerre mondiale conduiront une partie de ces élites arabes déçues par les Anglais à pactiser avec les Nazis. Ainsi le grand mufti de Jérusalem, grand ami d’Hitler et membre des Frères musulmans, un confrérie islamiste créée en 1928 dont l’idéologie s’inspire à la fois du salafisme wahhabite et de l’idéologie nazie, tente de convaincre le Führer de s’engager à exterminer tous les Juifs de Palestine.

La découverte des camps de la mort nazis au soir de la Seconde guerre mondiale allait précipiter l’Histoire et bouleverser à jamais la conscience occidentale à propos de ses relations ambiguës avec ces Juifs persécutés. L’afflux massifs de Juifs européens avant, pendant et après la guerre rendit vite l’équilibre impossible à maintenir.

La résolution 181 de l’ONU instaura le plan de partage de la Palestine entre un Etat israélien et un Etat palestinien. Un découpage géographique totalement absurde, impossible à tenir dans les faits et qui porte en lui les ferments du conflit à venir.

L’Etat d’Israël est proclamé par son Premier ministre Ben Gourion le 14 mai 1948. Il se définit dans sa loi fondamentale comme une démocratie parlementaire et l’Etat-nation du peuple juif. Les minorités, Arabes et Druzes israéliens notamment, jouissent du même statut et des mêmes droits en tant que citoyens à part entière d’Israël.

Dès le lendemain de la proclamation de l’Etat hébreu débute la guerre d’Indépendance (1948-1949), avec l’attaque d’Israël par l’Armée de libération issue de la Ligue arabe. Cette armée est composée de Syriens, Libanais, Irakiens, Jordaniens, Arabes de Palestine et Frères musulmans égyptiens, mais aussi de Yougoslaves, d’Allemands, de Turcs et des déserteurs britanniques. L’armée israélienne repoussent ses assaillants et conquiert des territoires au Nord et au Sud. Beaucoup de Palestiniens sont obligés de fuir vers la Jordanie ou le Liban qui ne les accueillent pas à bras ouverts, loin s’en faut.

A noter que l’hostilité l’égard des Juifs et du tout jeune Etat israélien s’exprime au nom d’une identité « arabe », et donc au nom d’une identité ethnique et culturelle (sinon religieuse) partagée par plusieurs « nations » nées de l’éclatement de l’empire ottoman. Il n’est donc alors nullement question d’une identité ou d’une nation « palestinienne » qui serait un motif de revendication à l’existence d’un État en tant que tel.

Cette identité palestinienne associée à la revendication d’un Etat-nation symétrique à l’Etat-nation israélien verra progressivement le jour suite à l’échec des 2 offensives militaires arabes contre Israël qui suivront, guerre des Six Jours et guerre de Kippour, et du soutien des nations arabes – Egypte, Jordanie, Syrie, Liban et autres – à la « cause palestinienne » naissante incarnée par l’OLP, organisation de guérilla et de libération de la Palestine responsable de nombreux attentats terroristes. Créée par en 1964 par la Ligue arabe à Jérusalem (alors administrée par la Jordanie), basée en Egypte et emmenée par le charismatique Yasser Arafat, fils d’un riche marchand d’épices du Caire, membre du clan al-Husseini de Gaza, et admirateur de Mohammed Amin al-Husseini, Frère musulman et grand mufti de Jérusalem.

Les historiens palestiniens qui inventeront par la suite le mythe de la « nation palestinienne » tenteront notamment d’établir un parallèle presque calqué sur les mythes nationalistes israéliens. Faisant la Naqba (« grande catastrophe » en arabe), l’exode massif des population arabes de Palestine vers le Liban et la Jordanie et la destruction de villages entiers durant la guerre d’Indépendance de 1948-1949, le pendant exact de la Shoah (« grande catastrophe » en hébreu), l’extermination de 6 millions de Juifs dans les camps nazis entre 1942 et 1945.

Dès lors, la rhétorique victimaire propalestinienne et antisémite utilisée par les mouvements terroristes arabes et islamistes tendra à assimiler Israël et les Juifs au nouvel Hitler, et les Palestiniens aux nouveaux Juifs persécutés. En recyclant au besoin tous les stéréotypes antisémites du juif élitiste, arrogant, dominateur, usurier, fourbe et pervers… Et en assimilant dans une même haine le « colon juif » aux nations colonialistes occidentales qui soutiennent Israël et le sionisme.

Cette rhétorique fondée sur un rapport mimétique et une concurrence victime s’enracine aussi sur une culture musulmane de la domination et de substitution, dont l’origine remonte aux sources de l’Islam et du Coran. En effet l’Islam s’est affirmé dès l’origine comme l’ultime Révélation jusqu’à la Fin des temps, celle qui parachève et remplace les deux grandes révélations qui l’ont précédée et inspirée : le judaïsme et le christianisme, accusées d’avoir trahir le message divin originel. L’Oumma, la nation des fidèles de l’Islam, vient ainsi ravir au peuple juif son statut de peuple élu, dès lors que celui-ci a refusé de se convertir à l’Islam. Le Coran remplace la Bible hébraïque et l’Evangile chrétien et devient la seule source valide de la Révélation. La charia remplace la Torah comme seule source valide du juridique. Elle s’applique dans distinction et selon une logique totalitaire à tous les domaines de la vie politique, sociale, religieuse, économique, juridique… Ceux qui refusent d’adopter la foi musulmane doivent être pourchassés, convertis de force, réduits en esclavage ou exterminés. Seuls les dhimmis, Juifs et les Chrétiens vivant en terre d’Islam, ont un statut de citoyens de seconde zone, payent un impôt spécifique. Ils n’ont pas la liberté religieuse et n’ont pas accès à certaines fonctions.

Il est essentiel de comprendre que même si la rhétorique favorable à la cause palestinienne se fonde sur une logique nationaliste « moderne » (à l’instar des autres Etats-nations) et ethnique (arabe), les considérations identitaires qui s’appuient sur le vieux fond identitaire et la culture islamiques restent toujours déterminants. Comment expliquer autrement que le Hamas, organisation terroriste islamiste dont les premières victimes sont les Gazaouis, puisse avoir autant de succès aujourd’hui auprès des Palestiniens des Territoires, comme auprès des jeunes issus des minorités d’origine musulmane dans nos banlieues ? Sinon en tenant compte du sentiment de trahison qu’éprouvent ces populations à l’égard de l’Autorité palestinienne et des élites arabes palestiniennes corrompues qui n’ont fait que s’enrichir en prolongeant un statu quo qui leur était favorables, et en tirant les bénéfices. Et du pouvoir fédérateur d’un Islam conquérant sur des esprits déçus par les discours sur les droits-de-l’homme et le « droit des peuples à disposer d’eux-mêmes » mis en avant depuis des décennies sans résultat tangible par des puissances occidentales duplices ?…

Alors peu importe que « la Palestine » en tant qu’Etat-nation des Arabes de Palestine n’ait jamais existé, ni historiquement dans les faits, ni dans la mémoire ou l’imaginaire collectif des populations qui s’en réclament, dont les seuls terreaux identitaires objectifs sont l’arabité et l’Islam. L’important, c’est que ce concept fondé sur un mythe et un processus historique cyclique qui vise à exclure le Juif de sa terre pour faire de celle-ci le dénominateur d’un territoire colonisé, soit suffisamment puissant et évocateur pour mobiliser les aspirations hétérogènes à se réapproprier collectivement cette terre en se réinventant autour d’une nouvelle mythologie nationale. Exactement comme la notion d’Oumma en Islam, collectif englobant qui fonde une nation soudée et exclue ceux qui n’en sont pas au nom de mythes religieux.