En mai, fais ce qu’il leur plaît ! – Macron, mai 68 et les bobos

Etudiant lançant des pavés lors des manifestations étudiantes le 25 mai 1968 dans le Quartier latin à Paris

On fêtera bientôt les 50 ans de mai 68.

Vous vous rendez compte ?

Le Président Macron, c’est le moins que l’on puisse dire, a d’autres priorités à son agenda et semble peu pressé de fêter l’événement.

Plus à l’aise dans les salons parisiens qu’avec les symboles de la gauche populaire.

Plus en phase avec le très politiquement correct « esprit du 11 janvier » qui reflète bien l‘atmosphère anémiée du moment qu’avec la Grande Récré des enfants du baby-boom, le souffle révolutionnaire des barricades et ce genre de commémorations un peu casse-gueule.

Pas de risques, pas de vagues, et surtout pas question de donner une caution à la rue.

Et gare à ceux qui contreviendraient au devoir de réserve : ils seront sévèrement sanctionnés !

Après le temps des cerises, le temps des prunes.

Pas d’artistes du moment, de stars ni de people conviés pour scénariser ce Cinquantenaire. Comme au temps des grand-messes mitterrandiennes qui avaient élevé le fameux « Bicentenaire » au rang de rite planétaire.

Même pas un entrefilet dans la presse pour rappeler que cela fera 50 ans dans trois mois que quelques étudiants chevelus de la Sorbonne et de Nanterre emmenés par un rouquin très agité déclenchaient toute une série de grèves et de manifs qui allaient mettre la France cul par-dessus tête et faire chanceler le régime gaulliste.

Aurait-on à ce point changé d’époque ? Que plus personne ne semble s’en préoccuper ?

Certes, la Génération Macron ou celle d’En Marche ! n’a rien à voir avec celle des bobos (bourgeois bohêmes).

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Les jeunes quadras d’aujourd’hui, à peine dépucelés de leur virginité politique à la faveur d’un fin stratège qui a dynamité tout l’échiquier, n’ont ni les référents ni les aspirations de leurs aînés, abîmés dans le confort et « l’esprit Canal ».

Cette génération au seuil de la quarantaine à laquelle appartient Emmanuel Macron, et que les sociologues du marketing appellent les momos (mobiles moraux), ont grandi dans les années 1990 : ils n’ont connu que la crise, le chômage et un marché du travail tendu. Ils ont dû sacrifier à de longues études, apprendre à s’adapter aux contraintes économiques, accepter d’être hyper mobiles et réactifs pour changer souvent de métier, de secteur, voire de pays au cours de leur carrière.

Serge July, Emmanuel Macron et Mark Zuckerberg, icônes des générations « bobo », « momo » et « yoyo »

Ces braves petits soldats de la mondialisation obéissants et angoissés ne partagent absolument pas les rêves et les luttes rebelles de leurs parents les bobos.

Autant les bobos sont volontiers décalés, frondeurs, rebelles et contestataires – du moins dans la posture – autant leurs enfants les momos sont hypernormés, et à fond dans le Système !

Autant les baby-boomers ont rêvé d’un autre monde où la terre serait ronde, d’être réalistes en demandant l’impossible, de réinventer la société et de changer la vie, autant les momos sont de véritables gardiens zélés du Temple ultralibéral et « progressiste ». Prêts à dénoncer tout dérapage verbal, tout écart de comportement ou de langage qui risquerait d’écorner la Pensée unique et de dévier un tant soit peu de la ligne orthodoxe imposée par le politiquement correct.

Quant à la génération suivante, celle des yoyos (young yobs : jeunes loubards) qui composent une bonne partie de l’équipe Macron, ces trentenaires malins comme des bonobos et opportunistes comme par deux, ils n’en ont strictement rien à cirer des discours des élites et des politiques.

A eux on ne la fait plus ! On leur a tellement bourré le mou avec des discours moralisateurs, culpabilisateurs et anxiogènes, avec ces vieilles rengaines humanistes, droits-de-l’hommistes, libertaristes, égalitaristes, communautaristes ou féministes, qu’ils s’en moquent avec une effronterie aussi calculée que jubilatoire.

Ils se servent de tout, détournent tout, customisent tout, n’ont aucune morale, aucun scrupule et aucune préoccupation, sinon de saisir les opportunités à leur portée, et d’utiliser les failles du système à leur avantage. Pour s’en sortir, pour réussir, gagner de d’argent ou pour aider leurs potes.

Ils ne cherchent ni à flamber comme les bobos ni à placer leurs économies en s’angoissant à propos de l’avenir et de leurs gosses qu’ils n’ont pas encore comme les momos.

Eventuellement ils réalisent à l’occasion de juteux placements boursiers dans quelque startup, aussitôt réinvestis dans des achats dictés par leur fantaisie du moment.

Ce sont des jouisseurs, des opportunistes, des pragmatiques, qui n’en font toujours qu’à leur tête. Qui vivent l’instant présent et se moquent éperdument que le monde puisse s’écrouler autour d’eux, sinon pour kiffer sa race sur leur console de jeux.

Ils vivent en tribus, et en changent comme de paires de Nike.

Ils sont à fond dans les nouvelles technologies, car ils ont grandi avec une Gameboy entre les mains, surfent sur internet dès leur plus jeune âge, et en maîtrisent tous les rouages.

Ils anticipent sinon inventent eux-mêmes les modes et les nouveaux courants, plus pour s’amuser ou par opportunisme que par snobisme.

Ces yoyos ne sont pas ceux qu’on entend le plus dans le staff Macron. Sinon au travers de ce pragmatisme très réactif et sans réelles convictions sauf pour flatter la galerie. L‘esprit momo tient encore le haut du pavé, pour la vitrine du moins.

Ces deux générations sont les enfants de la mondialisation.

Mais ils ne fantasment pas comme leurs aînés sur un universalisme très idéaliste et politisé en prétendant bousculer l’ordre établi. L’ordre ou le désordre, ils s’en tapent.

L’ordre et les règles ils savent parfaitement les contourner. Et le désordre leur permet de tirer leurs biles au milieu de la confusion.

Si les momos sont à fond dans l’humanitaire, les yoyos s’en foutent royalement, sinon quand ça les touche directement ou pour faire mine de plaire à leurs grands-frères.

Pour les momos comme pour les yoyos, Mai 68 c’est comme la bataille de Marignan : un truc appris dans les livres d’Histoire.

Ou éventuellement un refrain barbant dont leurs parents les ont suffisamment bassinés pour qu’ils en ignorent la teneur.

Les momos regardent leurs vieux comme des pauvres ados rêveurs abîmés dans des glorioles pitoyables et leurs souvenirs de fac. En leur confiant à l’occasion la garde du petit dernier sagement endormi dans son landau connecté signé Stark ou Pinifarina.

Les yoyos quant à eux observent ces vieux darons avec amusement et respect, parce que quand même, Mai 68 ça devait être un sacré kif !

Mais ils en parlent comme d’un truc de ouf, exactement comme ils s’excitent sur le méga set de leur DJ favori dans le prochain festival électro.

Bobos et yoyos sont souvent potes.

Les premiers offrent aux seconds une conscience par procuration. Et les seconds permettent aux premiers de ne pas devenir gâteux en les initiant au vertige néo-psychédélique des réalités augmentées.

Globalement on est aujourd’hui en France aux antipodes des lendemains qui chantent.

Des couplets maoïstes, trotskistes ou castristes lancés depuis la tribune ou vomis sur les CRS-SS.

On est bien loin des expérimentations loufoques, de la révolution sexuelle, de la musique de Pink Floyd, des Doors, du pop art, des chemises à fleurs, des colliers hippies, de l’encens, de Woodstock, du LSD, des partouzes géantes et des slogans comme « Il est interdit d’interdire »…

Même si, la nostalgie aidant et la mode rétro 70s ou 90s des années 2010 faisant loi, on revisite ces icônes de la génération hippie.

Pour le reste, ça fait plusieurs décennies que c’est Back to reality!

Et pour les plus téméraires, un rail de coke, volume à fond, binge drinking et baise à tout va jusqu’au prochain after.

Mai 68, c’est au mieux un mythe sympa, au pire un truc ringard de musée.

Les bobos ont du mal à en démordre, mais on a changé de siècle.

Les crises économiques, la chute du Mur de Berlin, le 11 septembre, internet et Twitter sont passés par là.

Les idéologies qui ont bercé leur jeunesse ont été remisées sur les étagères de l’Histoire.


Leurs idoles, Marx, le Che ou Sartre, n’ont même pas leur statue au Musée Grévin.

Ceux qui ont portées ces années du Changement se sont recyclés pour les plus chanceux dans le journalisme ou la politique (mais ils ont été balayés par le tsunami En Marche ! ou sont devenus de sages courtisans du Prince…).

Ils bossent et parfois ont fait fortune dans l’écologie, l’économie verte ou le numérique, le multimédia, le marché de l’art moderne, le business du bio, du bien-être ou du développement personnel.

Et pour les plus largués, le Grand Soir se résume le plus souvent à croupir dans une ONG en attendant la ménopause du cadre, à tenter de reconstruire un château de sable en pleurant sur les ruines du PS, à publier des compiles rééditant les tubes de leurs groupes fétiches, ou bien à faire le guignol dans les talk-shows le samedi soir pour les nunuches engagées qui prétendent avoir une conscience et qui lisent Philo Magazine.

Quant aux plus endurcis, nombreux sont ceux ont pas finis fauchés par le sida, une overdose, un infarctus ou un cancer, ecstasiés et pesant 30 ans kilos sur une plage de Goa, ou carrément suicidés, soit à cause de leurs excès de sexe et de drogues qui leur ont ravagé la capsule, soit parce que leurs doux rêves se sont fracassés sur le roc des flamboyantes mais austères années 80.

Les rescapés ont quitté les radars et vivent planqués dans leur salon germanopratin, ou toujours scotchés dans leur ashram en Inde, une communauté new age ou une ferme dans les Cévennes.

Alors, faut-il ou non fêter Mai 68 ?

Si c’est pour ressortir les vieux gimmicks, sûrement pas !

Qui plus est, l’aspect politique et contestataire de cette ultime « révolution » n’est pas forcément bon à titiller.

Une bonne grève générale pour faire barrage à la Loi Travail est justement ce qu’a soigneusement voulu éviter le Président Macron, fort de son expérience d’éminence grise puis de ministre du quinquennat Hollande et des fameuses Nuits debout qui s’en suivirent.

Aujourd’hui tout le monde est rentré dans le rang. Et beaucoup s’extasient toujours devant ce jeune président si nouveau, si intelligent, si bien élevé, si propre sur lui, si posé, si courtois avec les femmes et si sympathique.

Les Français ont troqué un excité narcissique et corrompu, suivi d’un gros balourd qui les a roulés dans la farine sitôt élu en s’asseyant sur ses promesses socialistes, contre une sorte de Prime Minister brittanique, au style très monarchique, bon teint, sage et moderne. Et totalement à la solde des molochs américains et européens. Un peu comme Tony Blair.

Alors le Général à côté c’est Che Guevara !…

L’esprit et les valeurs libertaires de Mai 68 ont depuis l’ère Mitterrand totalement imprégné la société, ses modèles et ses discours.

Au point qu’on n’en a même plus conscience.

Même Sarko a été présenté récemment par certains commentateurs comme un héritier de l’Après-Mai 68. Qu’il avait pourtant combattu.

Sauf qu’aujourd’hui, voir des filles à poil à 18 heures à la télé comme au bon vieux temps des Coco girls du Collaro Show c’est totalement impensable !

De nos jours les normes sont bien verrouillées. Et quiconque s’en écarte risque le pilori médiatique dans la seconde qui suit, voire un procès ou le zonzon s’il refuse de faire repentance et continue d’alimenter le scandale.

On peut sacrifier à tous les écarts, toutes les perversions, toutes les outrances, tous les excès et tous les délires, du moment qu’ils sont soigneusement répertoriés et labélisés.

Pour le reste, si l’on s’écarte un tant soit peu de la Pensée unique, on est aussitôt taxé au mieux de « complotiste », au pire de « terroriste ».

Alors faire la révolution, vous n’y pensez pas !

Nos contemporains sont frileux, formatés, lobotomisés, partagent des indignations téléguidées et à géométrie variable.

L’indignation réflexe est une posture obligée si l’on veut s’afficher comme un bon citoyen équipé d’une conscience éthique.

Mais le libre arbitre et l’esprit critique – le vrai – ou la contestation de l’ordre établi au nom d’un Idéal ou d’un projet alternatif de société sont des crimes de lèse-conformisme inadmissibles en « démocrassie » !

Alors on se contente de faire semblant d’être un rebelle. On s’agite et l’on s’offusque aussitôt que son voisin fait un pet de travers. On monte des kabbales hystériques sur Facebook pour des boulettes. Et c’est ce cirque burlesque et grandiloquent qui constitue l’Alpha et l’Oméga des moutons de panurge.

Dont les neurones sont totalement grippés par leur flip incessant, soigneusement monté en neige par les médias à propos du terrorisme, de la vache folle ou de la bombinette nord-coréenne.

Pourtant, il serait urgent de réapprendre à rêver.

Urgent de s’enivrer.

Et de remettre l’imagination au pouvoir.

D’ouvrir les yeux sur l’avenir au lieu d’ânonner le même catéchisme. D’inventer le monde de demain. Un monde qui sera fraternel, universel, unifié et pacifié.

Ou ne sera pas.

Un monde qui verra toutes les consciences planétaires totalement interconnectées. Et en tout cas par autre chose que l’écran mensonger des logiques du Système.

Mais ça, soyons certain que les milices du Zeitgeist s’empressent de nous en dissuader.

Nous incitant au contraire à nous vautrer dans la fascination du Vide, le culte de l’Ephémère, de l’Insignifiant. A nous prosterner devant les idoles consuméristes de leur Panthéon des Vanités.

Plus qu’une nouvelle « révolution », politique, sociale ou institutionnelle, c’est un Grand Saut de la conscience qu’il convient pour nous tous ensemble d’opérer en ce siècle.

Un siècle qui verra s’accomplir les plus grands bouleversements que l’humanité ait jamais connus. Et qui l’obligera à faire face aux plus grands défis de son histoire.

Mais il faut plus que de la lucidité, de l’imagination ou de l’audace pour s’engouffrer dans la brèche de ce Changement radical qui nous aspire à lui.

Il faut accepter de mourir totalement à soi-même pour renaitre tout autre. De ne plus rien savoir ni connaître ni contrôler.

Et d’abdiquer son cher Ego au bénéfice du Bien commun.

Mais ce sacrifice, l’homo post-modernicus qui se vante pourtant d’être un rebelle et s’éprend de toutes les causes n’est pas prêt d’y consentir !

On peut se piquer d’avoir une conscience et rêver éventuellement de prolonger l’utopie matérialiste dans une fiction transhumaniste, mais de là à faire passer le sort des réfugiés climatiques avant sa tisane bio, NO WAY!

Alors oui, il serait temps de célébrer le joli mois de mai, avant que l’hiver ne s’abatte définitivement sur nos belles illusions.

En Marche vers le 21e siècle ! Oui, mais lequel ?

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Avec l’élection d’Emmanuel Macron au terme de 6 mois de campagne d’une violence inouïe, la France est enfin entrée aux forceps dans le 21 e siècle.

Elle vient de purger tout son appareil politique, de dynamiter les partis traditionnels, de dégager toutes les têtes d’affiches, aidée par les deux taons sécessionnistes Le Pen et Mélenchon.

Et de se faire des frayeurs avec un thriller inspiré de la Grande Terreur, du Cuirassé Potemkine et de la Nuit des longs couteaux.

La purge digne des procès de Moscou va se poursuivre lors des législatives.

Un très grand nombre d’apparatchiks et de seconds couteaux sont d’ores et déjà sur la rampe de dégagement. Ils ont perdu leurs illusions et sont contraints de solder les comptes d’une carrière trop vérolée par l’affairisme, le clientélisme, l’opportunisme et la langue de bois.

A l’image de Manuel Valls, qui après avoir trahi la gauche, trahi Hollande, trahi Hamon, trahi le PS, rêve encore de trahir Macron.

Beaucoup trop pressés de se recycler dans la nouvelle République en Marche vont bientôt y laisser des plumes. Voire la tête.

Une nouvelle génération accède au pouvoir : les momos quadragénaires et quelques yoyos trentenaires poussent la génération bobo vers la retraite anticipée.

Exit donc la drauche et les goitres.

Exit la France à Papa des nostalgiques du Général ou de Tonton.

Exit les politicards rances, réacs et corrompus.

Exit la Social-démocratie molle et les ayatollahs de l’Ecologie.

Exit le sombre spectre d’un retour à la France de Pétain et la guerre civile annoncée entre néonazis apôtres du blanchiment au Kärcher et islamo-fascistes alliés aux puissances de l’Argent-roi.

Exit les rêves d’une France mitterrando-gaullienne qui donnerait des leçons de démocratie à l’Allemagne et à l’Europe, forcerait celle-ci à un aggiornamento de valeurs en prenant la tête d’une fronde des nations méridionales en croisade contre les Nantis hanséatiques, la Banque Européenne et l’oligarchie financière mondiale.

Place au Neuf !

Le Chant du Renouveau auquel seuls quelques gogos ont vraiment cru durant la campagne s’incarne aujourd’hui enfin sous les traits d’un puissant Appel d’air.

La France de 2017 ne sera donc ni une réplique de la clownerie trumpiste, ni à la botte glacée de Poutine.

Oubliés les scénarios frexistes et frontistes de droite comme de gauche.

On en oublierait presque que désormais c’est En Marche forcée vers le Meilleur des mondes imposé par le système.

Dans le peu d’espace de souveraineté et de liberté que nous laissent encore les institutions mondialistes, quelle nouvelle configuration politique va se mette en place sur les ruines du monde ancien pour improviser une parodie de démocratie et jouer la farce du Pouvoir ?

Puisque les Français sont incapables d’étendre leur constellation au-delà du périphérique et leur contemplation au-delà de leur nombril, dans quel sens va-t-on l’écarquiller pour en faire surgir des reliefs spectaculaires ?

Le 21e siècle a commencé sans la France il y a plus de 15 ans avec les attentats du 11 Septembre.

Cet électrochoc dans la Conscience collective, instrumentalisé sinon orchestré de hautes mains, avait brutalement signé la fin de l’Histoire des états-nations.

Au concert pacifique des Nations Unies il avait substitué le spectre apocalyptique du Choc des civilisations.

On a ainsi amusé la galerie avec des croisades contre l’Axe du Mal, puis un nouveau Califat fantoche.

Afin de subtiliser aux yeux des masses subjuguées le seul axe qui désormais oriente toute la marche du Progrès planétaire. Celui d’un Nouvel Ordre Mondial soumis aux lois de la finance, tendu vers un Bonheur consumériste, en équilibre instable sur le fil de la croissance tel un équilibriste sans filet suspendu au-dessus du vide.

Ignorante de ces réalités pourtant essentielles qu’elle rejette d’un ricanement hautain en les taxant de complotisme, la France continue de jouer à faire des rois pour les guillotiner dès qu’on lui rend la main. Sans voir que l’Histoire s’est subitement accélérée et l’a abandonnée sur bas-côté telle une vieille dame aussi encombrante et inutile qu’arrogante et futile.

En à peine 6 mois entre les primaires socialistes et le second tour des présidentielles, la France s’est vue déposséder de ses défroques de douairière et kidnapper ses dernières illusions de Patrie des droits de l’homme par un gamin facétieux qui lui a tout piqué sans jamais rien lui promettre d’autre qu’un mirage pompeusement baptisé « Notre projet ».

Aujourd’hui le seul projet qui vaille a abouti avec une ample succès : faire élire Emmanuel Macron et repousser la furie frontiste dans les émonctoires d’une Histoire honteuse d’où elle n’aurait jamais dû resurgir.

Et maintenant, que vais-je faire ?
De tout ce temps que sera ma vie ?
De tous ces gens qui m’indiffèrent
Maintenant que tu es partie…

Voilà où est en Marianne après une nuit de noces à peine escamotée face à tant d’austère gravité.

Le 21e siècle dans lequel elle se réveille au lendemain du 7 mai a le parfum de l’Exil et l’aridité drue des cimes rocailleuses où personne ne l’avait jusqu’ici entraînée.

Finis les verts pâturages des collines de Normandie, les vaches rousses blanches et noires sur lesquelles tombent la pluie ! Finies les rillettes Bordeaux-Chesnel, et le petit jaja qu’on se jette en sifflant Le Temps des cerises !

Place aux rigueurs marmoréennes d’une France « efficace et juste », à peine adoucie par le refrain têtu d’un harangueur de hangars descendu de son estrade pour faire les comptes et fourbir ses bataillons de petits soldats issus de la « société civile » et en marche pour bâtir la Nouvelle Société tant promise.

Le seuil de ce 21e siècle enfin franchi, la France croit déjà recouvrer sous les vivats unanimes une place de Diva dont elle n’aurait jamais dû s’absenter. Mais derrière les cotillons en pastoc et les airs de fin de banquet, que lui réserve-t-il au juste ?

La France vient de rejoindre le concert des nations embarquées de gré ou de force dans le tourbillon de la mondialisation.

Elle frétille car ce dépucelage auquel rien ne semblait pouvoir la soustraire sera finalement consommé dans les bras d’un charmant jeune-homme au large front et aux grands yeux bleus, très poli et même un peu trop sage. Et non dans le costard poisseux d’un vieux kakou rescapé du Titanic sarkozyste, parangon de la famille tradi, pétri de Sens Commun et que rien ne peut décoincer pas même le vin de messe ou le parfum des billets de banque.

Mais sauvée du péril fasciste et propulsée dans la cour des grands, Marianne va-t-elle continuer de jouer les figurantes en faisant comme à son habitude semblant de tirer les ficelles ? Ou va-t-elle pouvoir enfin faire entendre à nouveau sa belle voix de soprane pour entonner le cantique des Droits de l’homme dont elle est la si fière et jalouse interprète ?

Pour cela il faudrait que les Français aient conscience de leur identité, de leur vraie place dans le monde, de leurs atouts et de leurs ressources face aux enjeux du siècle.

Or là c’est le blackout complet.

Déjà c’est la panique pour s’orienter sur le Monopoly hexagonal, entre la case Prison, les ors de la rue de la Paix et les trottoirs de Belleville, les Taxes & Consignations, les erreurs de la Banque en votre défaveur et une spéculation immobilière déchaînée où la Chine et le Qatar ont déjà raflé les plus belles artères.

Alors de là à s’imaginer en capitaine d’un vaisseau fantôme embarqué entre les cyclones tropicaux, les ressacs monétaires, les pirates de la finance et les ressacs du Marché, il ne faut pas trop en demander.

Pourtant ce siècle déjà bien entamé est sans doute le plus important dans toute l’Histoire de l’humanité.

L’enjeu n’en est rien de moins que l’arbitrage entre un suicide collectif annoncé et le saut de conscience vers un nouveau paradigme qui nous tend les bras.

Et ce paradigme n’a pas de « nouveau » que l’emballage.

Il s’agit d’accoucher ensemble ni plus ni moins que de l’homme de demain.

Un homme qui ne soit ni un avatar désenchanté du progrès matérialiste. Ni un barbare sanguinaire rescapé d’une mémoire trop longtemps cadenassée par la Raison triomphante portée par un Occident hégémonique. Ni un éparpillement de confettis centrifuges aussi riquiqui et obsolètes que désolidarisés. Ni un engloutissement dans un Grand Tout confusionnel aux stéréotypes dictés par la Matrice.

La France aurait un rôle éminent à jouer face à un pareil défi. Si elle acceptait de décoller son regard de ses écorchures hexagonales, de s’ouvrir pour de vrai au vaste monde en plein bouleversement, de chausser des lunettes vraiment neuves, d’abandonner ses lubies droits-de-l’hommistes totalement has been et déconnectées du réel, de cesser de s’ériger en modèle de vertu et d’apprendre à penser la réalité avec un peu moins d’orgueil idéaliste et un peu plus de pragmatisme confiant.

Pas sûr qu’il faille pour cela compter sur un nouveau monarque ni une recomposition politique.

Encore que si l’on ne s’arrête pas qu’aux petites combines médiatiques, l’occasion pourrait en fournir l’amorce sinon le prétexte.

Bienvenue dans le Monde d’après !

Reste à s’engager pour accoucher enfin du monde d’aujourd’hui !

Un monde où il fasse mieux vivre, où chacun ait vraiment sa place et sa chance, où la course au fric ne soit plus l’Alpha et l’Oméga de la raison d’exister.

Un monde qui déjà émerge et où 7 milliards d’humains ne seraient plus seulement connectés que pour produire et consommer toujours plus de machins inutiles en se retrouvant toujours plus seuls.

Un monde où les interactions de conscience à l’échelle planétaire ne serviraient pas qu’à partager la dernière pitrerie de Trump ou des gif animés de chats déféquant sur la lunette des chiottes.

Un monde où la science et les dieux, la raison et l’âme sensible seraient enfin réconciliés.

Et où tous seraient soucieux de contribuer au mieux-être collectif sans penser d’abord à soi ni devoir pour autant vendre son temps et sacrifier sa vie au bénéfice d’une poignée de thaumaturges confits dans leurs richesses et leur soif de pouvoir.

La France aurait un beau couplet à défendre dans ce nouveau monde pour le coup réellement en marche vers un Ailleurs qui est d’autant plus déjà présent et radieux qu’on accepte de tourner résolument le dos aux mirages du vieux monde agonisant.

Mais le pourra-t-elle avant de renoncer définitivement à paraître autrement que dans le souvenir d’une grande nation qui avait su jadis éclairer le monde de son génie ?

Peut-être, si nous le voulons bien. Et si nous le voulons vraiment.

Ou pas.

A nous d’en décider.

Mais sans trop tarder, car la roue tourne de plus en plus vite…